Proportionnelle : les écologistes présentent un “paquet de propositions concrètes”

Réunis à l'Assemblée nationale pour une conférence de presse, Barbara Pompili, François de Rugy et Jean-Vincent Placé présidents des groupes parlementaires écologistes à l'Assemblée et au Sénat, accompagnés de la secrétaire nationale d'EELV, Emmanuelle Cosse, de la sénatrice Esther Benbassa et du constitutionnaliste Bastien François, ont présenté les trois propositions de loi sur la proportionnelle, la réduction du nombre de député-e-s et la motion de censure constructive qu'ils entendent "verser au débat, pour que chacun se positionne et que la question d'une plus juste représentation des Français-e-s et d'une vraie logique de gouvernement par coalition" trouve une concrétisation avant la fin de la législature.

Les propositions écologistes en question[S]

Pourquoi un ‘‘paquet’’ institutionnel ?

L’équilibre institutionnel est la conséquence d’une cohérence entre mode de scrutin, règles de fonctionnement des assemblées et nombre d’élus.

En présentant trois propositions de lois, travaillées étroitement avec des constitutionnalistes et des spécialistes du droit, les écologistes entendent proposer une réponse cohérente à des questions qui ne trouvent pas de solutions satisfaisantes si elles sont examinées indépendamment les unes des autres : comment assurer une meilleure représentativité de la diversité de l’opinion (à travers un scrutin proportionnel), tout en assurant une stabilité politique à l’exécutif (grâce à l’instauration de la motion de censure constructive, qui impose de définir les contours d’une majorité alternative et non une simple conjonction d’oppositions contradictoires) et en rapprochant la France des canons internationaux en matière de nombre de député-e-s par habitants ?

C’est pour répondre de manière cohérente, concrète et réaliste à ces questions que les écologistes présentent trois textes intimement liés entre eux.

Ces textes viennent prolonger par ailleurs le travail engagé il y a quelques semaines à l’Assemblée nationale avec le dépôt d’une proposition de loi instaurant le vote obligatoire.

Ces propositions ont vocation à nourrir le débat engagé avec les partenaires de la majorité, et au-delà, avec l’ensemble des groupes politiques de l’Assemblée nationale, et à se traduire en actes d’ici à la fin de la législature.

Pourquoi retenir la proportionnelle intégrale ? Pourquoi pas un scrutin mixte ?

L’une des sources de la crise du politique tient à un écart de plus en plus important entre les votes exprimés par les Français au premier tour des élections législatives et la composition de l’Assemblée nationale à l’issue du second.

Le scrutin majoritaire conduit à l’éviction pure et simple de la vie parlementaire de familles politiques, à la tentation pour les partis dominants de considérer leurs alliés électoraux comme des satellites, et surtout à éloigner les Français de l’expression démocratique : un récent sondage indique par exemple que 31% des Français se sont abstenus au second tour des élections départementales « parce qu’ils ne se reconnaissaient pas dans les candidats présents ».

Dès lors que l’on se fixe comme objectif de renforcer la participation électorale des citoyens – a fortiori lorsqu’on prône l’instauration du vote obligatoire- il est indispensable d’assurer aux électeurs que le mode de scrutin leur permettra, quel que soit leur choix, de prétendre avoir des représentants à leur image à l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle toutes les familles politiques ont indiqué, à un moment ou un autre de leur récente histoire, qu’elles souhaitaient l’instauration d’une dose de proportionnelle lors de l’élection des député-e-s.

Lors de la campagne présidentielle de 2012, le candidat François Hollande s’était ainsi engagé à « introduire une dose de proportionnelle » à l’Assemblée nationale.

En novembre 2012, la commission présidée par Lionel Jospin sur la « rénovation et la déontologie de la vie publique » préconisait que cette dose concerne 10% des députés élus.

Une telle réforme supposerait un scrutin mixte, majoritaire uninominal de circonscription pour 520 députés d’une part, proportionnel pour 57 députés de l’autre.

Il s’agirait là d’une évolution somme toute cosmétique de nos institutions, qui ne permettrait qu’une amélioration à la marge de la représentativité réelle de l’Assemblée nationale.

Elle nécessiterait cependant un redécoupage électoral global des circonscriptions législatives : la constitution plafonne en effet le nombre de députés à 577, et il n’est donc pas possible de créer des sièges supplémentaires. Or, les délais nécessaires à un tel redécoupage paraissent peu compatibles avec le temps qui nous sépare du prochain scrutin législatif (moins de 24 mois).

C’est la raison pour laquelle les écologistes proposent d’instaurer un système de représentation proportionnelle simple, avec un seuil de 5% des voix pour qu’une liste puisse se voir attribuer des sièges de députés. C’est par exemple ce qui prévaut en Allemagne, où la répartition des sièges entre les partis politiques se fait à la proportionnelle intégrale.

Le risque n’est-il pas de rendre l’assemblée ingouvernable, et donc de produire une instabilité gouvernementale ?

L’une des objections les plus souvent opposées à la mise en place du scrutin proportionnel est que l’Assemblée devenant plus fidèle à la réalité politique du pays, elle est aussi plus diverse, et qu’il est donc quasi-impossible qu’un seul parti soit à lui seul en mesure de détenir une majorité absolue des sièges.

Même si l’histoire récente démontre que majorité absolue d’un seul groupe ne rime pas avec automaticité de soutien aux textes gouvernementaux, les écologistes ont pris en compte l’objection, et proposent donc, dans une proposition de loi de nature constitutionnelle, de réformer le dispositif actuel de la motion de censure.

Que celle-ci soit consécutive à l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur un texte de loi (par l’article 49-3) ou spontanée (par l’article 49-2 qui permet à un quorum de 58 députés de demander la censure du gouvernement), la motion de censure proposée devrait obligatoirement proposer le nom d’un premier ministre, que le président de la République serait tenu de nommer si celle-ci était votée à la majorité des membres de l’Assemblée nationale.

Ainsi, le vote d’une motion de censure ne pourrait plus être la conséquence d’une majorité par défaut, ou majorité de simple défiance, mais bien d’une démarche constructive qui consisterait à définir une nouvelle coalition parlementaire majoritaire au sein de l’Assemblée, en soutien à un nouveau gouvernement. Le risque d’une assemblée ingouvernable ou paralysée serait ainsi clairement évacué.

Pourquoi un scrutin régional et non national ou départemental ?

L’objectif des écologistes est d’assurer tout à la fois un lien entre les députés et un territoire, et de garantir une représentation plus fidèle de la diversité politique de l’opinion publique au Parlement.

C’est pour que soit maintenu un lien avec le territoire que le mode de scrutin proposé s’inscrit dans le cadre de circonscriptions régionales : les élections législatives se dérouleraient ainsi au scrutin de liste dans chacune des 13 grandes régions métropolitaines récemment redéfinies, dans une circonscription unique pour les Français de l’étranger, et dans 9 circonscriptions outre-mers.

Compte tenu de la réduction du nombre de député-e-s proposée, cette solution est mieux à même de conserver les avantages de la représentativité du corps électoral qu’un scrutin départemental, qui conduirait de fait à créer des circonscriptions d’élection ne comportant pas assez d’élus pour que le bénéfice du principe proportionnel soit effectif. En effet, dans la mesure où certains départements n’élisent que deux ou trois députés, le maintien de listes départementales entrainerait la répartition des sièges entre deux ou trois listes au plus, et contreviendrait à l’objectif de représenter toutes les sensibilités politiques.

Pourquoi à un et non à deux tours ?

Aux élections municipales et régionales, les Français votent au scrutin proportionnel à deux tours, permettant de dégager une « prime majoritaire » pour la liste arrivée en tête. Ce système installe dans les assemblées communales et régionales des majorités très larges, mais semble difficilement transposable aux élections législatives – sauf à concevoir celles-ci dans un mode de scrutin de listes nationales.

En effet, cette prime majoritaire fonctionne pour des listes le plus souvent fusionnées entre premier et deuxième tour : afin de donner une lisibilité politique à l’électeur sur une future majorité nationale, il serait ainsi indispensable que les logiques de fusion entre les listes présentées par les partis politiques soient identiques d’une région à l’autre – ce que rien de garantit. Les régions ne plaçant pas toutes le même type de coalition en tête au second tour, les primes majoritaires s’annuleraient au niveau national.

Se pose en outre la question du niveau de la prime majoritaire qui pourrait être définie – laquelle pourrait conduire dans certaines régions désignant un nombre peu élevé de député-e-s à perdre le bénéfice du principe proportionnel.

Pourquoi proposer de réduire le nombre de députés ?

La France compte aujourd’hui 577 député-e-s et 348 sénatrices et sénateurs, soit 925 parlementaires au total.

La proportion de députés et de sénateurs rapportée au nombre d’habitants est ainsi plus importante en France que dans la plupart des grandes démocraties occidentales: elle est d’1 parlementaire pour 71 000 habitants, contre 1 parlementaire pour 117 000habitants en Allemagne et 1 parlementaire pour 166 000 habitants en Belgique.

Certes, notre pays est caractérisé par une grande diversité de territoires, mais rien n’explique de tels écarts.

Que les député-e-s décident, de leur propre initiative, de réduire leur nombre serait un signe fort susceptible de répondre à la crise de confiance envers le Parlement, et permettrait de réaliser des économies sur les indemnités des élus tout en garantissant, par un redéploiement de moyens, des conditions d’exercice du mandat, notamment en matière de composition d’équipes parlementaires, plus proches de celles qui sont à la disposition des parlementaires des assemblées nationales en Europe.

Des députés moins nombreux, se concentrant exclusivement à leur mandat parlementaire grâce à la loi sur le non –cumul qui prendra son plein effet en 2017, bénéficiant de moyens de contrôle du gouvernement et de production législative renforcés : c’est la cohérence de cette proposition.

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